" Il y eut
un coup de fil de l'assistante sociale pour annoncer que
je sortais de prison. Mon père était à jour, au bout de
son combat. Il ne cherchait qu'à vivre encore une nuit
pour revoir son enfant, cet homme de trente-trois ans
enfin libre. Pour assister à cette deuxième naissance.
Pendant le voyage vers Paris, je fabriquais les mots,
les phrases que j'aurais aimé lui dire et ne lui dirais
jamais. Et lui dans son fauteuil fabriquait les grandes
envolées qu'il garderait au fond de sa gorge. Alors, Père,
je m'en souviens. J'étais dans l'entrée assez étroite
et je poussais la petite grille en fer forgé, mais
mon regard était déjà sur toi et tu t'es lentement levé.
Si lentement. Il n'y avait plus de grillage entre nous.
Tes mains fortes et soignées ont emprisonné mon vlsage
amalgri. J'ai entendu " Mon petit... mon gosse..." et
encore autre chose que je n'ai pu définir. J'étais contre
toi.
J'ai voulu te remercier avec mon coeur, mon âme et mon
sang, et j'ai dit seulement " Bonjour Papa ".
Et nous avons pleuré comme je pleure encore aujourd'hui
en écrivant, comme ma voix tremble et se meurt
si je parle de toi."
José Giovanni
raconte son père, ce joueur de poker international,
ce dandy d'un autre âge, tout à la fois faible,
colérique et généreux, qui a su brusquement
trouver la force de lutter, heure par heure, pendant dix
ans, pour arracher son fils à la guillotine d'abord
et à la prison ensuite.
José Giovanni s'est
rendu célèbre en publiant "Le Trou", récit d'une
évasion inspiré de son expérience carcérale.
Ont suivi le "Deuxième Souffle", "Classe
tous risques", "L'Excommunié".
Loué par Cocteau, Nimier, Mac Orlan, José Giovanni tient
une place à part parmi les auteurs français de romans
noirs.
Il est également scénariste et metteur en scène. Aux Robert
Laffont, il a publié "La mort du poisson rouge",
"Le Prince sans étoile", "Les Chemins des
Fauves".